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Québec Cinéma

Entrevue Micheline Lanctôt

Vendredi, 1er novembre 2019

Quatre ans après Autrui, présenté en première aux RVQC en 2015, Micheline Lanctôt nous propose Une manière de vivre, son onzième long métrage en carrière. Avec ce récit choral centré sur les destins de trois personnages en quête de rédemption, la cinéaste retrouve des thèmes qui lui sont chers. L’empathie, la recherche de sens et de valeurs dans un monde où tout s’écroule sont au coeur du récit, soutenu par les pensées et aphorismes de Baruch Spinoza, philosophe néerlandais du XVIIe siècle.

Ce n’est pas d’hier que la cinéaste se questionne sur les comportements de ces contemporains et sur leur recherche de la meilleure « manière de vivre ». De fait, l’idée du film a germé il y a plusieurs années alors que la cinéaste pensait réaliser un film indépendant intitulé ‘Mon Spinoza’. « Cela fait longtemps que je m’intéresse à l’éthique humaine, nous dit la cinéaste. Un jour, j’ai décidé de relire Spinoza, mais c’est illisible, mais je suis tombée sur un livre d’Antonio Damazio, qui s’appelle ‘Spinoza avait raison’. À la première page, il écrit 'j’ai toujours été fasciné par Spinoza, et je ne sais pas pourquoi’. Ça a fait clic dans ma tête, parce que moi aussi, dans mes souvenirs de collège, j’avais toujours été fascinée par ce philosophe, sans trop savoir pourquoi. Je voulais faire un projet personnel à petit budget, comme une espèce de journal éthique. Mais je n’allais nulle part avec ce projet. Ça m’a pris presque quinze ans pour écrire une histoire, suite à ma rencontre avec un comédien flamand. Non seulement j’avais beaucoup lu alentour du philosophe, et c’était dans la logique de mon dernier film, Autrui. Cette fois, je suis partie du fait, que – c’est niaiseux à dire, je voulais mettre cet épisode dans le film, mais je l’ai enlevé finalement – un jour j’ai écrasé un chat et je ne me suis pas arrêté. Le chat n’était pas mort, mais je m’en suis voulu énormément. Je me suis demandé comment on arrive à surmonter ces petites lâchetés. Parce que ce n’est pas la morale religieuse qui me fait réagir comme ça, mais qu’est-ce que s’est? C’est à partir de là que j’ai commencé à penser aux questions d’éthique. J’ai donc imaginé ces trois personnages qui ont tous des petites ou des grandes lâchetés et qui ont quelque-chose à se reprocher. Ils vont entreprendre une démarche pour essayer de se pardonner. Spinoza – que l’on appelait le philosophe de la joie – a inspiré l’histoire par le fait que, pour lui, la quête principale de l’humanité passe par la béatitude, être heureux avec soi, et se sentir humain à 100%. »

D’ailleurs, l’image du penseur revient à plusieurs reprises dans le film, où on le voit même longer une autoroute de la métropole montréalaise. « Son esprit est toujours présent. Plus que jamais d’ailleurs. Depuis les dernières années, je l’ai trouvé partout, il est très à la mode. Pour un philosophe aussi hermétique, aussi difficile à comprendre, c’est très étonnant. Son message est simple, mais son langage est très codé, très chiffré… »

Les enseignements du théoricien hollandais guide la quête de Joseph, Colette et Gabrielle, le trio du récit. Sans doute parce que ses pensées sont de plus en plus essentielles dans le monde actuel. « Absolument! nous confirme Micheline Lanctôt. Ce que j’ai retenu de son enseignement et dont j’ai fait bénéficier mes personnages, c’est qu’il se situe complètement à l’extérieur des morales religieuses. Il s’est fait excommunié de la religion juive, il a écrit un traité contre les religions qu’il considérait comme des superstitions. Pour lui la morale religieuse est une posture. Il n’y a pas de faute, les choses ne sont ni bien ni mal. C’est ce qu’on en fait qui importe, que cela nous grandisse ou ou nous diminue… Son optimisme le poussait à croire que, spontanément, l’être humain veut tendre vers des choses qui vont le grandir. Il a passé toute sa vie à essayer de comprendre par quels mécanismes on pouvait faire ça. C’est ça que je trouve fabuleux. »

Ainsi, dans Une manière de vivre, les personnages vont poser des gestes empathiques envers leurs prochains. Colette donne de son temps à des personnes en fin de vie, Laurent assiste une jeune autochtone à donner naissance, et Gabrielle console un réfugié effrayé par les feux d’artifices qui lui rappellent trop le bruit des bombes.

Désireuse de porter à l’écran des portraits véridiques, la cinéaste à privilégié une écriture propice à modifications lors du tournage. « Souvent on a changé une scène parce qu’elle ne correspondait pas aux acteurs… L’écriture sur le tournage est la seconde écriture du film. Elle a besoin d’être reliée à la réalité du plateau. D’autant plus que je n’ai jamais les moyens pour faire mes films comme je l'entend, donc il faut nécessairement que je me garde une marge d’improvisation. Sur ce film, on avait des problèmes de logistique énormes. Je manquais de temps, de budget, de ressources… cela dit je suis très fière du film, parce que je sais dans quelles conditions il a été fait. »

Produit par André Gagnon pour Lycaon Pictus, avec la participation financière de la SODEC, Téléfilm Canada, les programmes de crédit d’impôt provincial et fédéral, Une manière de vivre prend l’affiche aujourd’hui grâce à Maison 4:3.

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