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Québec Cinéma

Elza Kephart : l’horreur comme moyen de sensibilisation

Jeudi, 10 septembre 2020

Désireuse de conscientiser le public tout en le divertissant, la réalisatrice et coscénariste montréalaise Elza Kephart propose avec Slaxx une comédie d’horreur atypique, dans laquelle les codes du ‘slasher’ et du ‘gore’ se retrouvent mêlés à un discours social et environnemental omniprésent. Tirant à boulet rouge sur les travers d’une industrie textile indifférente au sort des travailleurs qu’elle emploie, le film aborde tour à tour la mode rapide, la futilité des influenceurs des réseaux sociaux, et le management d’entreprise tourné vers le profit à tout prix. Nous avons rencontré la cinéaste pour qu’elle nous en dise plus long sur ce projet, coproduit par Patricia Gomez Zlatar, également coscénariste, et Anne-Marie Gélinas d'EMAfilms (Turbo Kid).

Traiter de sujets importants par le biais du cinéma d’horreur est un choix tout naturel pour Elza Kephart, tout simplement parce qu’elle raffole du genre. « Je n’aime pas le drame, nous dit-elle d'emblée. J’aime la comédie, l’horreur et le fantastique et la satire. J’ai toujours vu ça comme ça. On parle de pantalons qui tuent… cela ne pouvait être traité que sur le ton de la comédie. Ce traitement humoristique ouvre la porte à des sujets plus sérieux pour le public, qui, autrement, ne serait pas forcément touché. L’humour fait réfléchir car il enlève les défenses et permet de se remettre en question. On est pointé du doigt, mais on rit de nous-mêmes. »

La critique de la mode rapide est le cœur du récit, mais parmi les thèmes importants développés on retrouve ce que la cinéaste appelle le totalitarisme d'entreprise dans lequel notre société est plongée. « Le film critique le fait que les corporations contrôlent toute notre société, pas juste les modes de productions, insiste la cinéaste. Le film traite aussi de l’image du corps de la femme. Cela a beaucoup été discuté, mais je voulais en parler dans mon film. Je ne connais pas une femme qui n’a jamais pensé à sa taille. Je parle aussi d’ambition démesurée, d’individualisme, poussés à tel point que c’est ça qui nous fait basculer. »

Développé par Elza Kephart et Patricia Gomez Zlatar, Slaxx a longtemps mûri avant d’être présenté en 2017 au Marché de coproduction Frontières de Fantasia. « On a eu l’idée de Slaxx en 2001, nous dit-elle. Mais il nous manquait le sujet principal. Cela a pris quelques versions avant que cela prenne forme. Tout ce qui nous entourait, tout ce qui nous habitait a été incorporé au fil du temps. »

Outre les comédiens de chair et d’os, le film met en vedette ce ‘Slaxx’ qui donne le titre au film et qui n’est autre qu’un pantalon révolutionnaire, clou de la nouvelle collection de l’entreprise CCC. Mais ce jean de coton bio s’avère être un objet animé d’une conscience vengeresse, qui, au cours d’une même nuit, va faire des ravages au sein de l’équipe du magasin. L’idée de relier ce vêtement à l’histoire d’une fillette indienne décédée accidentellement a pris forme après des recherches de la cinéaste sur les méthodes de fabrication de la mode. « J’ai vu beaucoup de photos et de vidéos de jeunes filles qui cueillaient du coton. Beaucoup de ces photos étaient marquantes. Ça me donnait vraiment des frissons de voir ces jeunes filles regarder la caméra en face. Cela m’est donc apparu normal de faire de cette jeune indienne l’ange vengeur, et en quelques sortes l’héroïne du film. Pour une fois que l’on voit ça à l’écran! C’était un plaisir d’imaginer cette jeune femme dépossédée qui gagne à la fin et qui tue tout le monde! »

Qui dit satire dit aussi personnages de méchants. Pas juste un jean meurtrier, mais des gens arrogants, imbus de leur personnes, qui sont traités avec un plaisir certain. La cinéaste semble visiblement très l’aise à dépeindre des personnages antipathiques. « J’adore les méchants, nous confirme-t-elle avec enthousiasme. Je les trouve très intéressants. C’est pour cela que ça m’a pris beaucoup de temps à écrire le film, car je voulais le faire du point de vue de Slaxx. Je trouve toujours plus fascinant d’explorer le côté sombre de l’âme, à l’instar du personnage de Craig [le gérant du magasin, NDLR] que j’ai pris un plaisir fou à écrire. C’est pour ça aussi que je crois que les gens qui aiment les films d’horreur sont des gens foncièrement très gentils, car â leur permet d’explorer leurs propres failles. Comme ça, on expie un peu nos travers par le biais du [cinéma de] genre! ».

Slaxx met en vedette Romane Denis (Charlotte a du fun), Brett Donahue, Sehar Bhojani, Stephen Bogaert et Kenny Wong. Présenté en première mondiale à Fantasia, où il a obtenu le prix du public du meilleur film canadien, le film est distribué au Canada par Filmoption ionternational. Le film prend l’affiche demain, le 11 septembre, dans plusieurs salles de la Province (voir les horaires). 

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