Une révision : l'équipe présente son film
Jeudi, 4 novembre 2021
Une révision sort en salle ce jeudi partout au Québec (voir les horaires dans votre région). La semaine dernière, nous avons assisté à une conférence de presse organisée par la production regroupant les scénaristes Louis Godbout et Normand Corbeil, la réalisatrice Catherine Therrien, la productrice Denise Robert et plusieurs comédiens. Voici quelques extraits des échanges qui ont eu lieu avec les médias présents.
La première question portait sur la genèse du projet, initié il y a quelques années, alors que le sujet dont il est question était un peu moins brûlant qu’aujourd’hui. « Denise, Louis, Normand et moi, on a commencé à travailler sur le projet il y a trois ans, confirme la réalisatrice. On se disait que c’était un sujet d’actualité et qu’il allait le rester. Ce qui est d’actualité dans le film, ce n’est pas seulement le rapport houleux ou la prise de position des deux protagonistes mais c’est aussi l’instrumentalisation par l’institution du discours d’inclusion à tout prix. Ce discours de la bien-pensance et du politiquement correct sont des thèmes qui m’intéressaient beaucoup. On a donc décidé d’aller de l’avant et de trouver la meilleure façon d’en parler. »
Pour Denise Robert, Une révision c’est l’histoire d’un coup de coeur. La productrice explique une partie de la genèse du projet. « Denys [Arcand] me dit un jour 'lis-donc ça, c’est un film qui pourrait peut-être t’intéresser...' dit-elle. J’ai lu le scénario et effectivement, toutes les raisons que Catherine vient de donner se sont avérées. Je l’ai remis à Catherine, avec qui je travaillais déjà pour un autre projet, tout en sachant que je voulais lui proposer de le réaliser. Nous avons eu un coup de coeur sur cette histoire, tout simplement. »
« C’est un film sur la transmission du savoir, sur le dialogue et sur l’importance de la communication, renchérit Catherine Therrien. Nous avons abordé le projet de cette façon, dès le début. Que ce soit entre nous, ou avec les acteurs. Nous avons beaucoup dialogué ensemble pour trouver ce dont parlait le film, comment nous voulions l’aborder et comment on était à l’aise d’en parler. Nous avons fait des ateliers d’écriture et beaucoup de rencontres avec les auteurs et nous avons impliqué tout au long du processus de peaufinage du scénario une professeure de français au secondaire, musulmane pratiquante, que j’appelle ‘mon amie croyante’. Elle nous a beaucoup aidés à comprendre le personnage de Nacira, sa famille d’immigrants algériens, notamment son père monoparental… J’avais envie d’avoir un interlocuteur plus à même de comprendre toutes ces réalités vécues par la jeune femme. »
Nour Belkhiria incarne Nacira, une étudiante engagée qui cite un passage du Coran dans son devoir. Ce faisant, elle enfreint une règle de base de l'examen, entraînant l’attribution d’une mauvaise note par son professeur. L’actrice découverte dans Antigone a présenté en quelques mots les contours de ce personnage au centre au film. « J’ai été emballée d’auditionner pour un personnage comme celui-là, précise la jeune actrice. J’aimais que ce personnage de confession musulmane soit dépeint d’une manière moins caricaturale que ce que l’on voit, qu’elle soit dans une approche pacifiste. C’est un personnage très tourmenté, et, même si elle est un peu dure dans ses mots avec Étienne, je pense qu’elle a beaucoup d’admiration et d’envie pour la liberté de pensée que la philosophie apporte. C’est ce qu’elle veut atteindre. C’est ce qui est un peu frustrant quand ta religion ne te permet pas de sortir ou de te poser certaines questions. Donc, remettre en question certaines choses, cela prend du courage… voilà pourquoi j’étais enthousiaste. Cela a été un super défi pour moi. »
Pour sa part, Patrice Robitaille, considère le film comme une rencontre. « Oui, il y a une confrontation, de dire le comédien, mais je considère que le film est une main tendue, un échange. J’ai l’impression qu’au final les deux personnages ont beaucoup appris. Ils ont évolué. »
Interrogée sur la nature politique de son film, Catherine Therrien rétorque que son film porte sur le carcan de la réussite garantie. « C’est un film qui porte sur un carcan qui n’est pas là où l’on pense. Le carcan, ce n’est pas l’Islam, c'est l’institution qui garantit la réussite à tout prix. C’est le clientélisme. C’est un film sur un personnage (Nacira) qui se fait infantiliser, instrumentaliser par des gens qui ont quand même un bon fond, qui veulent la réussite des étudiants. »
L’inspiration d’Une révision est profondément ancrée dans la carrière des scénaristes (photo ci-dessus), tous deux anciens professeurs de philo. « L’idée de base, précise Louis Godbout, c’est l’idée de base à laquelle tous les profs de philo se trouvent confrontés. C’est de parvenir par la raison ou tout autre moyen à des principes, des croyances, qui constituent un roc solide à partir duquel on peut agir par la suite. Pour un prof de philo, ça passe par le dialogue et l’argumentation et pour quelqu’un qui croit, ça passe par un autre chemin. Évidemment, on peut être philosophe à moitié, on peut être croyant à moitié et ce qui distingue Étienne et Nacira, ce qui fait aussi qu’ils sont très proches l’un de l’autre, c’est qu’ils ne font rien à moitié. Étienne est un philosophe radical, spinoziste, il croit au travail de la raison et au salut par la raison, alors que Nacira possède une foi qui n’est pas ardente, mais exigeante. Elle ne veut pas faire semblant de croire, mais veut vraiment croire. Et parce qu’elle veut vraiment croire, elle questionne sa croyance, ce qui l’amène à douter et à chercher l’adversaire, qui est en même temps un confident à sa hauteur. Et c’est pour cela qu’elle s’en prend à son prof, tout en lui tendant la main. Au fond, c’est une très vieille conception philosophique, l’opposition entre la raison et la foi. »
(image d'en-tête : Nour Belkhiria)