Entrevue avec Éric Morin
Vendredi, 29 mars 2019
Proposé en première mondiale lors d’un Tapis bleu des RVQC 2019 (photo ci-dessous) et chaleureusement accueilli lors de sa présentation en primeur au public de Rouyn Noranda, Nous sommes Gold d’Éric Morin prend l’affiche aujourd’hui, à Montréal et Québec et dans quelques autres salles du Québec. Dans ce second long métrage de l’abitibien Érin Morin, Marianne une musicienne vivant en Europe (Monia Chokri) revient dans sa petite ville, à l’occasion de la commémoration du dixième anniversaire d’une catastrophe minière ayant fait 53 morts. Elle y retrouve sa famille et ses amis Kevin (Patrick Hivon) et Christopher (Emmanuel Schwartz) avec qui elle formait le groupe de rock Gold.
Nous avons rencontré le cinéaste qui nous a donné quelques détails sur le film.
Dans ton nouveau film, tu parles de plusieurs sujets individuels ou collectifs, est-ce que tu peux nous en dire plus sur les origines de ton film?
Au tout début, je voulais raconter l’histoire d’un groupe de rock en région, crédible bien que fictif, sans tomber dans le récit de leur ascension… J’ai ensuite changé mon fusil d’épaule, tout en restant centré sur des parcours individuels, mais cette fois, en les teintant d’un même drame, profond, vécu de façons différentes. Contrairement à mon premier long métrage, je voulais aussi faire un scénario plus ficelé, plus universel, avec une ligne narrative plus définie. Ce qui m’a marqué dans la région, ce n’est pas vraiment un drame précis, mais plutôt la vie des mineurs. j’ai quitté ma région à 19 ans. j’ai ensuite habité à Montréal pendant vingt ans, puis j’y suis retourné avec ma femme et mes enfants pendant sept ans. c’est avec ce recul que j’ai vu à quel point le rapport à l’industrie minière est présent partout. Il l’était quand j’étais petit, mais je ne m’en étais pas rendu compte vraiment, même si mon père était mineur, je faisais abstraction de ça. Donc, en revenant quelques années plus tard, je me suis rendu compte que la mine teinte la vie de la communauté. Pour parler de cette présence, je me suis mis en tête de créer un drame. Je n’ai pas fait de recherches particulières, je me suis dit que c’est plausible, c’est déjà arrivé dans d’autres pays… ensuite, Mégantic est arrivé et cela m’a beaucoup fait réfléchir sur mon histoire. J’ai été très interpellé.
Le personnage de Monia Chokri, qui revient après être partie, est-ce que c’est un personnage qui pourrait te ressembler.
Oui, c’était un peu ça l’idée. Chasse au Godard d’Abbittibbi, c’était peut-être l’histoire de mon départ, alors que Nous sommes Gold, c’est peut-être celle de mon retour. Du choix que l’on fait de revenir et quel impact cela peut avoir sur nos relations avec ceux qui sont restés. Le personnage de Marianne a en effet décidé de partir et malgré sa longue absence, elle éprouve quelque chose de très fort et d’inexplicable, qu’elle le veuille ou non.
Comment s’est organisé le casting? La composante musicale du film t’imposait des comédiens qui sachent jouer?
Cela a été est un long processus. Au total le film a pris cinq ans à faire, dont trois ans d’écriture, de dépôts et de corrections. D’ailleurs je trouve que c’est un bienfait de ne pas être accepté au premier dépôt. Il y a des films qui doivent se faire dans l’urgence, mais dans le cas de Nous sommes Gold, je pense que le film n’aurait pas été aussi bon. C’est normal. Je suis à l’aise avec ce processus... Au départ, je voulais vraiment caster des « musicos »… mais j’ai complètement renversé mon casting quand j’ai fait la rencontre de Patrick Hivon… je le connaissais depuis longtemps, mais j’ai réalisé qu’il avait tous les attributs du personnage de Kevin. Monia a aussi une rencontre déterminante. Emmanuel Schwartz a la chance d’avoir tout, il est très bon musicien et très bon chanteur. J’ai alors choisi d’aller vers des personnages fictifs. Monia et Patrick sont doublés, mais pas Emmanuel, évidemment. Ça ajoute beaucoup de crédibilité au film… je ne pouvais pas me permettre de ne pas être crédible de toute façon.
(Image ci-dessus: Vivien Gaumand)