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... Pour la suite du monde

Lundi, 5 juin 2017

Hier soir, lors du Gala Québec Cinéma, le ministre de la Culture et des Communications, Monsieur Luc Fortin, annonçait que la réalisation du documentaire Pour la suite du monde, sera désormais reconnue comme Événement historique. Cette annonce a été soulignée par Hugo Latulippe et Anais Barbeau Lavalette, qui ont livré un vibrant discours en hommage au film de Pierre Perrault et Michel Brault mais également en faveur du cinéma documentaire, de son importance et de sa nécessité, à l’heure où les financements se font de plus en plus difficiles.

Pour cette occasion toute spéciale, plusieurs artisans du film étaient présents au Gala, tels le coréalisateur et preneur de son Marcel Carrière, le producteur Fernand Dansereau, Mme Yolande Simard-Perrault, conjointe du défunt Pierre Perrault, les filles du directeur de la photographie Michel Brault ainsi que Werner Nold, le monteur du film. On les voit ici sur le tapis rouge du Gala (photo fournie par Rosemonde Communications - L’Observatoire du documentaire).

On a souvent qualifié Pour la suite du monde de tournant, d’oeuvre emblématique et même de fondatrice. Au-delà de tous les qualificatifs dithyrambiques (aussi justifiés les uns que les autres), l’histoire du 7e art québécois et canadien - et sans doute bien au-delà - retiendra qu’une grande partie de son avenir s’est joué en cette année 1963. Plus précisément lorsque le film réalisé par Michel Brault et Pierre Perrault [1] se rendit représenter pour la première fois le cinéma canadien à Cannes [2].

Sous l’impulsion des auteurs, les habitants de l’Isle-aux-Coudres se prêtent au jeu de la recréation d’une ancienne coutume de pêche aux marsouins. Cette reconstitution de gestes depuis longtemps perdus permet aux insulaires de s’exprimer sur leur condition, ainsi que sur leurs « croyances naïves », comme l’écrivait Yvonne Raby dans les colonnes du journal français Le Monde au lendemain de sa présentation sur la Croisette.

Cet intérêt documentaire se double d'une valeur poétique qui transparaît à chaque image, à chaque séquence. Résurrection des temps révolus, épopée vécue par des hommes forts, poème de la mer et de la terre, des vieillards et des enfants... Pour la suite du monde est une évocation poétique qui trouve dans l'image sonore son expression adéquate. (Sainte-Marie Éleuthère C.D.N. et Albert Fèche, Revue Séquences no 34, 1963)

À l’image de la citation ci-dessus, de très nombreux textes ont été écrits sur le film. Avec À tout prendre et Mon oncle Antoine de Claude Jutra et Le déclin de l’empire américain de Denys Arcand, Pour la suite du monde demeure l’une des oeuvres les plus étudiées du cinéma québécois. Après sa sortie, qui avait suscité des commentaires favorables, mais loin d’être dithyrambiques, historiens et analystes ont pris la mesure du symbole que constituait le film en pleine Révolution tranquille et en ont réévalué l’importance sociologique. Il faut reconnaître qu’à travers les portraits de Léopold, Alexis, Abel, Louis, Joachim et les autres, Brault et Perrault sont parvenus comme jamais avant eux à rendre vivante la mémoire et à capter l’âme de toute une collectivité, son histoire et ses croyances. Et à fortiori à l’étendre à tout le peuple Québécois.

Pour la suite du monde, de Brault et Perrault, exprime authentiquement et brillamment une ethnologie savoureuse et profonde qui réussit le tour de force d'entremêler respect et ironie, document et ferveur, poésie et constat, c'est-à-dire de parer l'information des prestiges de l'art. (Patrick Straram - Cité libre, 1963)

En dépit du fait qu’il soit entré au panthéon des oeuvres indispensables, et ce, dès les années 80, et au-delà de son côté symbolique, accorder aujourd’hui à la réalisation de Pour la suite du monde le statut d’événement historique est sans doute la plus haute marque de reconnaissance que le film et ses artisans pouvaient avoir. Sa portée et l’héritage qu’il laisse au public, ainsi qu’à plusieurs générations de documentaristes canadiens et internationaux sont immenses.

J'aime participer aux actes premiers, ces liens qui nous unissent au monde cosmique. Je ne suis pas un acrobate de l’intelligence enfermée dans un cabinet de travail. Les poètes, comme les prophètes doivent avoir un contact immédiat avec la nature. Je suis pour l'humanisme qui tient compte des gestes fondamentaux. (Pierre Perrault)

Visionnez le film

Voir sur le site de l’ONF.

À propos

L’Observatoire du documentaire, qui réunit les principales associations professionnelles, organisations et institutions du cinéma documentaire québécois et est présidé par Hugo Latulippe, est à l’origine des démarches entreprises dès 2015 auprès du ministère de la Culture et des Communications du Québec, démarches qui avaient reçu le soutien du grand public et de tout le milieu cinématographique québécois. L’année dernière, une pétition signée par près de 3000 artisans et artistes, citoyennes et citoyens avait été envoyée au ministre.

La Loi sur le patrimoine culturel du Québec donne au ministre de la Culture et des Communications le pouvoir de désigner un évènement historique.

« Il peut être associé́ à̀ une date précise, mais il peut aussi être lié de façon plus large à une période historique […] Les évènements historiques qui peuvent être désignés sont ceux dont la connaissance, la sauvegarde, la transmission ou la mise en valeur présente un intérêt public ». (Source : MCC) 

Pour plus d’informations sur la désignation : www.mcc.gouv.qc.ca/index.php?id=5305

Notes

[1] Générique de 1963 : ...POUR LA SUITE DU MONDE : Réal. et Scén. : Michel Brault et Pierre Perrault — Phot. : Michel Brault — Mont. : Werner Nold — Son : Marcel Carrière — Mus. : Jean Cousineau (guitare) et Jean Meunier (flûte) — Int. : Leopold Tremblay (marchand et président de la Nouvelle société de la pêche aux marsouins de l'Ile-aux-Coudres), Alexis Tremblay (cultivateur), Abel Harvey (cultivateur et chantre d'église), Joachim Harvey (capitaine du bateau le Nord de l'Ile) — Prod. : Fernand Dansereau — Durée : 105 minutes — Dist. : Office national du film du Canada, 1962.

[2] le film est présenté en compétition à Cannes le 16 mai 1963 et a droit à une critique globalement élogieuse. Il est projeté au Festival international du film de Montréal le 4 août 1963. Il y remporte le Prix du jury. Le soir même, il passe le même soir à la télévision de Radio-Canada. Le film sort au cinéma L’Élysée le samedi 6 décembre 1963.

[3] le film fait partie de la liste des 150 oeuvres canadiennes essentielles établie par le TIFF, Bibliothèque et Archives Canada, la Cinémathèque québécoise et la Cinemathèque de Vancouver

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