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Québec Cinéma

Entrevue Philippe Lesage

Lundi, 18 mars 2019

Second long métrage de fiction de Philippe Lesage, Genèse est sorti en salle vendredi sur une dizaine d’écrans au Québec. En complément de notre présentation du film de, voici notre entrevue avec le réalisateur.

Infos et bande-annonce de Genèse.

Horaires de projection.

Parles-nous de la genèse du projet et de sa continuité naturelle avec ton documentaire Laylou et ton film précédent Les démons.

Il y a en effet une cette approche autobiographique évidente, puisque j’utilise beaucoup d’éléments de ma vie pour nourrir ces deux films. Il y a une continuité. On passe d’un âge à un autre, mais on aborde les mêmes thématiques: des questionnements sur la sexualité, les premiers émois, cette espèce d’effervescence intérieure, de soif de liberté d’être dans un monde où l’on se rend compte aussi qu’il y a des contraintes et des pressions extérieures... On est aussi dans un âge où il y a une violence dans les émotions que l’on peut éprouver… quelque chose de très passionné, très fort aussi. Alors, oui, il y a une continuité. D’abord, il y a le personnage de Félix qui revient à la fin du film, même si l’on n’a pas besoin d’avoir vu Les démons pour comprendre la fin du film.

C’est une fascination pour toi cette période de la vie?

Je ne sais pas si j’ai la maturité nécessaire pour me pencher sur ce qui m’est arrivé hier, mais je l’ai certainement pour me pencher sur ce qui m’est arrivé il y a vingt ans. Et je ne peux pas dire que ça se fasse dans la facilité… il y a des choses dont je ne voulais pas nécessairement parler. Je mets quand même beaucoup de moi dans le film. Dans Les démons, je me réconciliais avec l’enfant que j’avais été. J’avais eu honte de… tu sais, les enfants sont parfois capables du meilleur comme du pire. Je ne les considère pas du tout comme des petits anges. Moi-même, j’avais honte de la cruauté que j’avais pu manifester lorsque j’étais très jeune. Évidemment on ne peut pas reprocher ça à un enfant, mais il y a une idée d’aborder des points qui m’avaient bouleversés. Dans Genèse, il y a les trois histoire parallèles. Et je peux me voir dans les trois personnages. Autant dans le personnage de Charlotte que ceux de Guillaume et Félix. C’est comme si j’avais splitté le miroir en trois. Mais je ne suis pas intéressé à un cinéma nombriliste. Quand j’écris, si je mets un miroir devant moi, il ne faut pas que l’image renvoyée exclue l’Autre. Il faut regarder le monde aussi.

C’est peut-être aussi pour ça que l’histoire de Genèse est intemporelle. On ne sait pas trop quand cela se passe, dans les années 80 ou dans les années 2000…

Il y a un discours générationnel qui m’énerve beaucoup. Je déteste entendre parler du cloisonnement entre les générations. Je suis plus intéressé par ce que l’on a en commun que par ce qui nous sépare. Pour moi, l’amour est vécu de la même façon, si l’on fait table rase des moyens de communication qui ont évidemment beaucoup changé, qu’on aie 18 ans aujourd’hui que lorsque mes parents étaient dans un sous-sol de banlieue à Trois-Rivières dans les années 60 à danser sur les premiers balbutiements du Rock ‘n’ Roll. On est confronté à la même effervescence des sentiments ou à la même détresse. Il y a définitivement quelque chose de très universel dans tout ça. Aussi, la raison pour laquelle je m’amuse à brouiller les pistes, c’est pour créer un univers en soi. Je pense que mon cinéma est plus impressionniste que réaliste. C’est difficile de mettre des mots sur ce que l’on fait, mais pour moi, le cinéma c’est d’abord et avant tout une création d’atmosphère. Plonger les spectateur dans un univers qu’il n’a jamais vu avec une fraîcheur de regard. Ici comme dans Les démons, j’ai trouvé que ça donnait une atmosphère au film, une ambiance… sans que ça soit trop distrayant. J’avais la chance de tourner dans une école qui se prête très bien à l’intemporalité, les classes, les corridors, tout ça n’a finalement pas beaucoup changé… et le camp de vacances, c’est resté exactement la même chose.

Au FNC, tu avais mentionné avoir voulu terminer ton film sur une note plus positive, d’où l’ajout d’une seconde partie...

C’est peut-être la réponse facile à un questionnement plus complexe. Disons qu’il y a plusieurs raisons pour expliquer cela. D’abord, j’avais envie de revenir à la genèse de la genèse de l’amour, de retourner à un âge plus jeune. Le cinéma nous permet de jouer avec le temps, et comme l’adolescence est une période extrêmement dense et riche... Je trouvais ça intéressant de retourner en arrière avec des personnages complètement différents. On peut appeler ça comme on veut… une coda… Il y a des choses qu’on accepte en littérature, mais qu’on n’accepte pas ou qui ne sont pas beaucoup explorées en cinéma. On pourrait finir un roman très narratif avec un poème. On peut aussi changer de narrateur dans une même histoire… que l’on pense à Faulkner qui faisait ça au début du siècle. Alors, il y a cette idée que je m’ennuie au cinéma, je suis stimulé quand les gens font preuve d’audace narrative. Je trouve ça bien, ça me stimule. J’aime ça voir encore un peu de créativité. La structure narrative n’a pas beaucoup changée depuis les grecs. On hésite beaucoup à déconstruire ça. Il y a aussi une part d’intuition qui n’est pas en lien avec ce que l’on a vu, mais qui est en lien avec la thématique. Je voulais ouvrir une petite fenêtre… la première partie se termine avec la réunion de Guillaume et Charlotte, c’est touchant mais je me disais que rester dans cette chambre [1] et finir mon là… j’avais envie d’ouvrir la fenêtre et de laisser jaillir la lumière. D’où l’idée du camp de vacances où on est dans un lieu où les adultes sont un peu plus attentifs, un peu moins dans leur rôle d’autorité. Donc, oui, je trouvais qu’il y avait un lien plus poétique que la première partie… Je fais le pari que le public va baisser sa garde et entrer dans la deuxième histoire. C’est tellement libre que cela ne me dérange pas de laisser toute la liberté au spectateur d’en faire sa propre fin.

Est-ce que tu as pensé les connecter ces deux éléments?

Elles étaient connectées mais de façon tellement subtile que mon monteur ne s’en est pas rendu compte. Il y avait une scène où Félix parlait avec Guillaume, c’était l’ami de Alexis, son voisin de cubicule… puis même mon monteur ne s’est pas rendu compte que c’était le même personnage. C’était plus assumé aussi. Ne pas avoir trop peur de se planter. Les réactions sont d’ailleurs très opposées… le dernier plan c’est un regard vers le futur qui pourrait devenir une autre histoire. On était très émus avec mon monteur en salle de montage en voyant cette dernière partie. Il y a aussi un autre ton, comme si le film devenait presque un documentaire et retrouvait la simplicité des émotions. Je trouvais que ça finissait vraiment bien le film.

Entrevue réalisée par Charles-Henri Ramond, à Montréal, le 5 mars 2019.

 

[1] : après une escapade nocturne le frère (Guillaume) rejoint la maison familiale et vient se coucher aux côtés de sa sœur (Charlotte).

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