La une

Retour
Québec Cinéma

Entrevue avec Matthew Rankin

Jeudi, 19 décembre 2019

Sélectionné dans une vingtaine de festivals cet automne, Le vingtième siècle (The Twentieth Century) de Matthew Rankin a été récompensé au Festival international du film de Toronto (TIFF), au Festival du nouveau cinéma (FNC), au Festival international du film de Calgary et au Festival international du film de Los Cabos. Le film a pris l’affiche le 13 décembre dernier à Toronto, sort demain à Montréal et le 10 janvier à Québec. Nous avons rencontré le cinéaste pour qu'il nous en dise peu plus long sur cette comédie satirique à la forme délirante.

Formé comme historien académique, Matthew Rankin a débuté son projet par la lecture des centaines de pages du journal intime de McKenzie King. Bien qu’historien de formation, le réalisateur de Tesla: Lumière mondiale a vite ressenti le besoin d’aller vers la fantaisie. À la dimension politique et historique du film, il a donc ajouté un regard plus personnel sur le Canada et son système politique. « Cela commence avant tout pour un intérêt marqué envers la personnalité à l’excentricité somptueuse de McKenzie King. Lorsque j’ai lu son journal intime, surtout son journal de jeunesse, au début de sa vocation politique. J’ai été fasciné par toutes les pathologies qui ressortaient de cette personnalité. Aussi, je suis fasciné par le début du vingtième siècle. Et en plus je voulais me moquer du Canada, pour plusieurs raisons. La mise en images du Canada m’agace un peu. C’est peut-être parce que j’habite à cheval entre le Canada et le Québec, ce qui me procure un poste d’observation que je trouve très créatif. Et qui me procure un regard sur le Canada, et sur le discours qu’il véhicule. Sur sa représentation d’un pays sentimental, inoffensif, parfait, d’une sorte de propagande peu souvent remise en cause. Je trouve qu’il manque des voix qui remettent en cause cette version des choses et je crois que un des devoirs du citoyen est de questionner les idées reçues, et pourquoi pas de les subvertir. Donc, ma motivation venait de là. Parce que qu’on le veuille ou non, on est tous associés à cela, malgré nous. »

The Twentieth Century n’a donc rien d’un film historique réaliste et n’a pas plus la volonté de glorifier l’unité de notre chère confédération ou son système politique. « Je suis ironiste comme cinéaste. Je ne suis pas un cinéaste littéral. Cela ne m’intéresse pas.King était patriote, oui, mais il était tiraillé entre le besoin d’agir selon ce qu’il voyait comme étant le bien, selon ses convictions profondes, ou d’aller contre elles pour afin de protéger son pouvoir. Et dans tous les cas, il a choisi de protéger sa position. Et je trouve que c’est quelque chose de très actuel. Dans la politique de notre époque, surtout au Canada, cela se remarque. On sait ce qui est fondamentalement juste, mais on choisit d’agir contre ça pour maintenir notre position de puissance. En partant, il y a quelque chose d’ironique. Les contradictions de King, sa double vie, étaient pour moi une façon de parler de cet univers binaire, opposé, très polarisé. Par la suite, l’histoire de sa vie est devenue un prétexte à fantaisie. »

Au niveau de l’esthétique, Matthew Rankin a opté pour une démarche très graphique, filmée en pellicule 16mm pendant un peu moins de 25 jours de tournage. « Je pense que dans un film, les décors, la mise en scène et la photographie doivent être cohérents. Ils doivent tous être dans le même bateau. Je pense aussi qu’un jeu très naturaliste dans un contexte de décors très artificielscréera de la dissonance. Ce qui est peut-être souhaitable, mais pas dans ce film. Puisque le propos du film qui joue un peu avec l’artificialité du Canada, qui n’est qu’un phantasme anglo-saxon. Les décors ont été faits à la main par Dany Boivin avec du papier, du carton. Toutes les images ont été faites par des humains… il n’y a pas d’images générées par ordinateur, pas d’écran vert, etc. Les matériaux n’étaient pas chers, et on a beaucoup recyclés. Certains éléments de décors se retrouvent dans chaque du scène du film.  »

Outre son sujet satirique et sa forme hors standard, le film mise beaucoup sur le jeu très distancié des comédiens. « Dan Beirne, je l’avais décelé dans The Bitter End, une série web dans laquelle il jouait. Je l’ai suivi pendant quelques années, et à moment je l’ai vraiment vu dans le rôle. En audition, il a été plus que parfait. C’est un comédien remarquable. Il a la capacité de chercher des émotions profondes, tout en étant très drôle… Le casting est aussi composé de plusieurs de mes amis, des gens avec qui j’aime travailler. Je voulais vraiment faire ce film avec ma famille, autant que possible. Je trouve que cela facilite la création. En plus c’est un ton un peu particulier, parlé dans un anglais un peu sophistiqué, décalé, un peu littéraire aussi. C’est un mélodrame, à cheval entre l’ironie et la sincérité. C’est à dire que je ne me moque pas du mélodrame, mais en même temps, j’ai un rapport très ironique avec l’histoire. L’idée c’était vraiment de jouer la carte de la sincérité. Je trouve de l’humour du film découle du fait que les comédiens jouent sur un ton très sérieux. Ce n’est pas burlesque. Et cela devient plus absurde comme ça. Les comédiens ont compris tout de suite ce que je voulais faire. J’ai été très choyé avec les eux. Rendu au plateau, c’était juste rendu quelque chose de mécanique. »

Fermer
Fermer

Infolettre

Amoureux du cinéma québécois, recevez les dernières nouvelles et des offres exclusives de Québec Cinéma et ses événements. Merci de vous être abonné à notre infolettre. Vous recevrez bientôt un courriel de confirmation. N'oubliez pas de vérifier vos courriels indésirables.

Fermer