Entrevue avec Jean-Nicolas Orhon
Vendredi, 23 novembre 2018
Quatre longs métrages québécois prennent l’affiche aujourd’hui, à Montréal et dans plusieurs villes du Québec. Tout d’abord, À tous ceux qui ne me lisent pas, premier long métrage de Yan Giroux qui vous en apprendra plus sur l’esprit libertaire qui habitait le poète Yves Boisvert (voir notre galerie de photos de la première montréalaise). Aussi, pour les montréalais désireux de découvrir le cinéma indépendant, sachez que le film réalisé par J.P. Fortin À propos du code sera projeté dans une seule salle de l’ouest de l’île pour un temps limité seulement. Signalons aussi qu'après avoir été présenté en première lors des RIDM, le documentaire Les Coasters, de Nicolas-Alexandre Tremblay et Stéphane Trottier aura droit à quelques projections dans les jours qui viennent à la Cinémathèque québécoise.
Consultez les horaires.
Enfin, le documentaire Ensemble vous plongera pendant un an dans les coulisses de l’Orchestre Métropolitain de Montréal, alors que les musiciens, dirigés par Yannick Nézet-Séguin, répètent activement le répertoire de leur première tournée internationale. Le film prend l'affiche aujourd'hui à Montréal (Cinéma Beaubien, Cinéma du Musée et Cinéma du Parc), à Sainte-Adèle (Cinéma Pine), à Québec (Cinéma Cartier) et à Sherbrooke (Maison du Cinéma). Plusieurs ciné-rencontres seront organisées en présence de l’équipe du film, en voici quelques-unes:
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Vendredi 23 novembre à 18h25 au Cinéma Beaubien (Montréal) - en présence du cinéaste Jean-Nicolas Orhon et de la productrice Sandra-Dalhie Goyer
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Samedi 24 novembre à 14h30 au Cinéma du Musée (Montréal) - projection et table-ronde en présence de Jennifer Bourdages, René Gosselin, Caroline Séguin, Yukari Cousineau (musicien.ne.s de l’Orchestre Métropolitain de Montréal) et Jean-Nicolas Orhon (cinéaste), animée par l’écrivaine Lula Carballo
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Samedi 24 novembre à 19h30 au Cinéma Pine (Sainte-Adèle) - en présence du cinéaste Jean-Nicolas Orhon
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Dimanche 25 novembre à 14h15 au Cinéma du Parc (Montréal) - en présence du cinéaste Jean-Nicolas Orhon
Nous nous sommes entretenus avec le réalisateur, directeur photo et monteur Jean-Nicolas Orhon (Bidonville: architectures de la ville future) à propos de son film Ensemble.
Après t’être promené sur la planète pour filmer Bidonvilles, tu reviens à Montréal, filmer les coulisses de l’Orchestre Métropolitain. Qu’est-ce qui a motivé ce choix?
En tant que documentariste, on aborde souvent des sujets personnels, proches de nous, mais aussi, plus simplement, des sujets motivés par la curiosité sur lesquels nous souhaitons en savoir plus, comme le public. Le regard est vierge, et ça donne des films ouverts. Ensemble est né de ma curiosité et des échanges humains. Il y a quelques années, j’étais locataire d’un appartement dont le propriétaire était le conjoint de la pianiste, Jennifer Bourdage, la grande amie de Yannick que l’on voit dans le film. Après plusieurs échanges avec elle, on était parti sur l’idée de faire un film éducatif sur l’Orchestre métropolitain de Montréal, pour coller à la vocation éducative de l’orchestre. L’annonce de la tournée en Europe est arrivée et on a trouvé ça intéressant de faire un film autour de ce sujet. Pas juste pour filmer les concerts, mais pour le vivre de l’intérieur. En assistant aux répétitions, et en passant du temps avec les gens pour mieux comprendre quelle est la relation entre le chef et les musiciens. Des choses que je ne connaissais pas, évidemment. Et qui m’attiraient aussi d’un point de vue de cinéaste… Ça me fascinait de voir comment le chef influençait l’oeuvre.
On sent bien en effet, ne serait-ce que par sa gestuelle si expressive, que Yannick Nézet-Séguin est le véritable maître d’oeuvre, le metteur en scène. Le connaissais-tu avant le tournage?
Je le connaissais de nom, mais pas tant que ça. Je n’ai pas de bagage musical. Le film m’a donné l’occasion de découvrir le grand chef qu’il est. Aujourd’hui en revoyant le film, je me rend compte que j’en ai appris beaucoup à travers son exemple.
Est-ce que tu dirais que tu as changé ta façon de voir le métier de réalisateur en faisant le film?
Absolument. Je pense que je m’en rendrai mieux compte dans mon prochain projet. Nous étions deux pour les prises de vues. Un preneur de son et moi à la caméra et en tout temps, nous devions avoir une présence très discrète pour ne pas déranger les musiciens. Donc, en ce sens, même si je l’avais déjà, le rapport respectueux que je dois avoir avec mon sujet a été beaucoup renforcé.
Ça a d’ailleurs dû être assez difficile de te préparer dans la mesure où tu n’avais pas vraiment de liberté de mouvement.
J’ai passé mon année à me demander comment j’allais tourner… Dans certaines salles en Europe, je n’avais pas le choix, notre place était imposée. Pour les répétitions - la moitié des 80 jours de tournage environ – nous étions dans la salle D des sous-sols de la Place des Arts, là où l’orchestre répète. J’avais un peu plus de liberté, je pouvais me déplacer autour, mais je ne pouvais pas mettre ma caméra au milieu orchestre, à la place d’un musicien. Et je ne le voulais pas non plus d’ailleurs. Mais les déplacements étaient quand même limités, dans l’espace et dans le temps. C’est un bon exercice, pas évident à maîtriser.
Et le montage?
J’avais à peu près deux cents heures de matériel. On a monté durant près de six mois, ça a été déchirant et prenant, même si dans ces deux cents heures, j’avais de longues séquences musicales qui de toute façon devaient être raccourcies ou éliminées. Et aussi, j’ai des jours et des jours de tournage qui n’ont pas été inclus, notamment le concert de fin d’année 2017, que j’ai filmé, mais que j’ai finalement laissé tomber pour terminer le film avec l’apothéose du concert à Paris.
Dans ton film qui est aussi très humain, on découvre des protagonistes qui se racontent. Comment s’est fait le « casting »?
J’ai assisté à plusieurs répétitions et concerts avant de tourner. Donc j’avais déjà repéré des éléments qui ressortaient du groupe. J’ai commencé à tourner en janvier 2017, mais je les suivais depuis plusieurs semaines. Je voyais des personnes qui émergeaient. Des gens qui ont des belles histoires personnelles, je savais qu’ils allaient faire partie du film. Ensuite, il y a la partie où l’on parle de la fondation de l’orchestre. Il reste encore quelques musiciens fondateurs de l’OM. En les côtoyant, j’ai compris que c’était important que je parle de ce moment là, parce que ce sont eux qui portent l’histoire de l’OM.
Au niveau de l’écriture, est-ce que tu avais écrit une grande partie de ton scénario avant le tournage?
J’ai eu une belle relation avec la direction de l’orchestre qui me donnait des renseignements sur les activités à venir. Donc on choisissait des concerts ou des événements un peu à l’avance, mais en gros, peu de choses étaient écrites avant.
Et finalement, qu’est-ce que tu aimerais que ton film laisse comme marque sur le spectateur?
Des gens m’ont dit que le film leur avait donné l’envie de découvrir la musique classique, d’aller écouter des concerts. Ça m’a beaucoup touché. On n’a jamais assez de culture dans notre vie, et pour ça c’est très inspirant. L’orchestre c’est un groupe avec sa propre dynamique, mais qui peut se transcrire dans d’autres groupes. Quand les gens sont là pour les bonnes raisons, que ça fonctionne entre eux, et qu’en plus ils sont poussés vers le haut par un « leader » comme Yannick Nézet-Séguin… Ensemble c’est un film que j’ai voulu inspirant et donnant l’envie de se défoncer un peu… En ce moment, on a beaucoup de films graves ou d’histoires négatives. Avec l’état du monde que l’on connaît, c’est pas étonnant. Ensemble, c’est juste un regard optimiste, une belle expérience. Un film qui fait du bien, en somme.
Ensemble (Québec, 2018, 92 minutes, Version originale française et anglaise) / Écrit et réalisé par JEAN-NICOLAS ORHON / Produit par SANDRA-DALHIE GOYER / Direction photo : JEAN-NICOLAS ORHON / Montage : JEAN-NICOLAS ORHON en collaboration avec HUBERT HAYAUD / Son : SIMON BELLEFLEUR, BANDE À PART, LOUIS GIGNAC / Production : LES FILMS JAD / Distribution : LES FILMS DU 3 MARS