Entretien avec Matthieu Rytz à propos de L'arche d'Anote
Mercredi, 6 juin 2018
En salle depuis vendredi dernier, le documentaire Anote's Ark (L'arche d'Anote) de Matthieu Rytz présente le cas des îles Kiribati, qui selon toute vraisemblance auront disparu sous les eaux en raison de la montée des océans. Rencontre avec le cinéaste d'origine suisse basé à Montréal, anthropologue visuel de formation, producteur et commissaire d’exposition.
Anote's Ark est encore à l'affiche à la Cinémathèque québécoise de Montréal et au Clap à Québec.
Tout d’abord, peux-tu nous parler de la genèse de ton film?
En 2014, j’étais parti dans la République de Kiribati avec l’idée de faire un projet à long terme sur la montée des eaux, mais comme photographe, afin de monter une installation pour le Quartier des spectacles. J’ai découvert un pays merveilleux. J’ai rencontré son président, Anote Tong, et j’ai été complètement fasciné par sa mission incroyable de vouloir sauver son pays. J’ai réalisé alors que comme photographe, j’avais atteint mes limites de «storyteller». j’ai donc décidé de me lancer dans la production de ce long métrage de cinéma, une incroyable aventure de 4 ans, dans laquelle je me suis lancé avec une incroyable naïveté puisque je n’avais jamais fait de film auparavant. Ça a été toute une aventure! Je me suis retrouvé à écrire, produire, filmer, tout ça tout seul. Bien sûr, après, j’ai rencontré des gens qui m’ont beaucoup aidé, notamment EyeSteelFilm, mon producteur et distributeur.
En ce qui concerne tes personnages, depuis la fin du tournage, as-tu eu l’occasion de revoir Anote ou Sermary?
Oui, avec Anote, on se voit beaucoup et j’étais encore la semaine dernière avec Sermary en Nouvelle-Zélande pour présenter le film au festival documentaire d’Auckland. Ça se passe bien sa vie là-bas.
Les scientifiques ont confirmé que dans une centaine d’années les îles auront disparu...
Dire que les îles Kiribati vont disparaître ce n’est pas du fatalisme, c’est du réalisme. Il y a suffisamment de données qui ont été collectées depuis une quarantaine d’années. Si c’était une nouvelle étude... mais là ce n’est pas le cas. Quand Al Gore a commencé à se faire le porte-parole de l’environnement, il y a une quinzaine d’années, c’était des données qui avaient déjà 20 ans. Donc, il faut accepter que c’est en train d’arriver. On ne peut pas revenir en arrière. Premièrement, ce ne sera pas si facile de diminuer notre empreinte, deuxièmement il y a une explosion démographique et troisièmement il y a une explosion de la classe moyenne dans le monde. Il y a des études très intéressantes qui ont été publiées qui nous expliquent qu’émotivement, psychologiquement et cognitivement, on a du mal à comprendre qu’on est dans une phase d’extinction massive...
Ton film sort cette semaine à Montréal, comment va son parcours dans les festivals?
Oh! Énormément. On l’a lancé au mois de janvier à Sundance et depuis on l’a présenté de plus de trente festivals internationaux. On a une une projection en simultanée hier, en Italie... En ce moment c’est en moyenne une projection en l’espace de quelques jours. On a été dans les plus grands festivals de documentaires, Sundance, Visions du réel, Hot Docs. C’est rare d’être présent dans ces trois grands rendez-vous.