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Québec Cinéma

Entrevue avec Jean-François Asselin

Vendredi, 10 novembre 2017

C’est aujourd’hui que sort en salle Nous sommes les autres, un premier long métrage pour Jean-François Asselin aux allures de fable contemporaine tournant autour de la question: jusqu’à quel point sommes-nous prêts à transformer notre vie pour s’adapter aux attentes des autres?

Nous avons rencontré l’auteur des téléséries François en série et Plan B et pour qu’il nous décrive ce projet qu’il porte en lui depuis plusieurs années.

> voir les horaires du film.

Après des téléséries populaires, vous avez décidé de faire ce sujet en film. Pourquoi ne pas avoir choisi de continuer avec la télévision ? 

En fait, ce film-là est prêt depuis très longtemps. Ça fait longtemps que je dépose des scénarios, mais je t’avoue que ce sont des scénarios qui ont toujours un procédé narratif qui emprunte aux surréalistes et que les gens ne savaient comment recevoir lors de la lecture. Le premier scénario que j’ai déposé c’est celui qui est l’idée de base de Déformation personnelle, qui est devenu un court métrage (en 2003, NDLR) et ensuite une série. Mon premier réflexe c’était donc d’en faire un long métrage, mais les producteurs me disaient que si ça marchait sur papier, ça ne marcherait pas forcément en format long. Après c’est devenu un court puis une série. Après ça, le projet que j’ai déposé ça a été Nous sommes les autres, mais encore là, les gens ne savaient pas où le placer. C’est pour ça que je suis allé plus vers la télé et j’ai fait Plan B et un court métrage qui s’appelle Mémorable moi (en 2013, NDLR) qui on dirait, a ouvert les yeux aux institutions qui ont peut-être compris ce que je voulais faire, que ça pouvait marcher. C’est comme si leurs références étaient plus des films surréalistes qui n’avaient pas fonctionné. Ils avaient de la misère avec ce mélange et aussi avec un mélange de genres et de tons. J’espère qu’avec celui-là, l’attente aura cessé et que les gens comprendront mieux ce que j’ai envie de faire. Je pense que si tu crois à la quête et aux personnages tu peux accepter un procédé narratif décalé. En ce moment, un cinéaste que j’adore c’est Yorgos Lanthimos qui fait exactement ça. C’est impossible ce qu’il raconte, mais t’embarques parce que ce que l’élément surréaliste te fait voir les choses sous un autre angle, et c’est ça que j’aime. Je pense que les gens sont capables d’accepter ça parce qu’il y a un côté ludique, un plaisir d’être dans un autre univers. Je trouve ça jouissif. Ça t’emmène dans une autre réalité et c’est trippant.

Comment vous est venue l’idée de départ ?

Avec mon coscénariste (Jacques Drolet, NDLR) on s’est demandé de quoi on avait envie de parler. J’avais une idée de film qui était un peu farfelue qui parlait d’un acteur qui jouait le rôle de quelqu’un, mais je ne voulais pas situer ça dans le monde du cinéma. Alors on s’est tourné rapidement sur le regard des autres, par exemple, dans les relations au travail, on se travestit pour plaire aux gens. C’était ça notre idée de départ. Rapidement, on a eu l’idée d’un personnage qui se transforme en quelqu’un d’autre. Et ensuite, on s’est demandé dans quel milieu ça pourrait être amusant que ce soit un milieu qui a du prestige où l’enjeu social est élevé. C’est à partir de là qu’est venue l’idée de l’architecture. En plus, l’architecture donne une métaphore au personnage qui doit se transformer pour devenir l’autre. Nous ne voulions pas non plus que ce soit juste un constat sombre, donc on a eu envie d’amener un autre personnage plus lumineux, celui de Robert (incarné par Jean-Michel Anctil, NDLR) qui fait le voyage contraire en allant de ce tout ce qu’on lui a dit de faire, et qu’il fait bien, pour aller vers ce qu’il a envie de faire. Et avec le personnage central, le moteur, qui est celui de Pascale (Bussières, NDLR), qui est dans l’ombre d’une star et lorsqu’elle la perd, au lieu de l’oublier, elle s’accroche à lui, elle fait tout pour le retrouver.

Il y a en effet un aspect fantastique dans le film en dépit d’une base très concrète. Vers quoi vouliez-vous nous emmener avec ces éléments de mystère ?

Le fantastique, je ne le rajoute pas après : les idées me viennent comme ça. Dans les premières idées de Nous sommes les autres, c’est l’histoire de quelqu’un qui allait se transformer physiquement donc le fantastique a fait très tôt partie du projet.

Est-ce que vous connaissiez quelque chose à l’architecture avant de faire le film ?

Très peu, mais je me suis beaucoup fait aider après. J’ai rencontré beaucoup de grands architectes de Montréal. On voulait faire les choses de manière très réaliste. Cela nous a permis de prendre conscience que ce que l’on décrit dans le film, en terme de grosseur de projet de bâtiment, n’existe pas vraiment au Québec. Il y a la Grande Bibliothèque, mais nous n’avons pas une ville où les grands architectes peuvent s’exprimer librement parce qu’il y a beaucoup de lois. On a eu un conseiller sur le scénario qui était Jean Verville et après il y a eu Maxime Frappier qui s’est senti interpellé par le film. On s’est demandé quel projet d’envergure changerait le visage de la ville et c’est Maxime qui a proposé que l’on prenne l'une des idées rejetées du Vieux Port pour notre projet de construction de la Cité des arts.

Parlez-nous un peu de votre casting, c’est vous qui l’avez fait ?

Je crois au processus d’auditions, donc tous les personnages l’ont passé. Quand j’écris, j’essaie de ne pas être influencé par un comédien que j’ai en tête pour qu’il crée vraiment un personnage qui a sa propre identité et après j’aime imaginer ce personnage-là dans la peau de quelques comédiens. J’aime les auditions pour voir la rencontre de mes personnages avec un comédien qui a son corps, sa voix, ses yeux, son énergie. Dans le cas de Jean-Michel (Anctil, NDLR) je l’avais repéré, il y a chez lui une bonhomie, un côté enfant, mais triste dans le regard qui marche très bien dans le récit. Je l’ai fait venir avec d’autres et il a fait une audition exceptionnelle. Dans le cas d’Émile (Proulx-Cloutier, NDLR), j’ai travaillé beaucoup avec lui, mais j’avais peur qu’il soit trop grand pour le personnage que j’imaginais plus freluquet qui allait grandir pendant le film. Il est arrivé en audition et au bout de trois répliques on sentait toute l’avidité du gars qui veut tellement réussir. Dans le cas de Pascale, je trouvais qu’elle avait la prestance et l’élégance du personnage qui fonctionne bien en société, mais je ne savais pas si elle avait l’autre facette très importante du personnage qui souffre de névroses et de dépendance affective. Elle nous a démontré que oui en audition. Dans les trois cas, je suis satisfait.

Est-ce que vous auriez envie que le public sorte de la projection avec un message en tête ?

Pas un message non, mais juste qu’il ressorte avec un questionnement sur eux-mêmes : est-ce que dans leur vie, ils font ça pour plaire aux autres? Est-ce qu’ils font ce dont ils ont vraiment envie? J’espère aussi qu’ils se laisseront porter par cette histoire sans essayer de la mettre dans une case et être interpellé par le thème.  

 

(image d'en-tête : Nous sommes les autres, Jean-François Asselin (g.), Jean-Michel Anctil et Pascale Bussières - photo Sébastien Raymond)

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